Cogilog

Calcul de l’indemnité de chômage partiel en présence d’heures supplémentaires

L’application massive du chômage partiel a fait naître un certain nombre de difficultés dans l’élaboration des bulletins de paie.

Parmi ces difficultés, nous évoquons ici le calcul de l’indemnité de chômage en présence d’heures supplémentaires.

LA méthode INITIALE du ministère du travail

Un document du 22 mars 2020 émanant du Ministère du travail (DIRECCTE HAUTS-DE-FRANCE) intitulé « Calcul de l’indemnité horaire d’activité partielle » précisait les règles de calcul de l’indemnité de chômage partiel.

Ce document indique explicitement (§1 Les éléments à retenir dans l’assiette de calcul de la rémunération brute du salarié), avec des exemples concrets à l’appui, qu’il faut prendre en compte les « majorations de salaire (heures supplémentaires, travail de nuit, etc) » dans le calcul du taux horaire servant à déterminer l’indemnité d’activité partielle.

Cette position n’était d’ailleurs pas surprenante car elle reprenait la méthode déjà expliquée dans la circulaire DGEFP n° 2013-12 du 12 juillet 2013 qui, jusqu’à présent , faisait référence ainsi que dans l’article R5122-8 du Code du travail comme nous le verrons plus bas.

Voici le texte de cette circulaire (Fiche 6) :

« L’assiette des indemnités de congés payés inclut le salaire brut avant déduction des charges sociales, les majorations pour travail supplémentaire, les avantages en nature dont le travailleur ne continuerait pas à jouir pendant la durée de son congé, les pourboires, les primes et indemnités versées en complément du salaire si elles sont versées en complément du travail et si elles ne rémunèrent pas déjà la période des congés (primes annuelle assise uniquement sur le salaire des périodes de travail, exclusion faite de la période des congés payés, primes compensant une servitude de l’emploi, primes liées à la qualité du travail). »

La nouvelle méthode du ministère du travail

Le Ministère du travail a mis récemment en ligne sur son site internet un document présentant, notamment, des fiches de calcul de l’indemnité de chômage partiel.

Dans sa version du 10 avril 2020 ce document indique en page 22 §1 comment calculer le taux horaire qui sert à déterminer l’indemnité de chômage partiel à verser au salarié.

« La rémunération à prendre en compte est celle que le salarié aurait perçue dans le mois s’il n’avait pas été en activité partielle, incluant les majorations (travail de nuit, le dimanche…) de ce salaire, hors heures supplémentaires et leur majoration. »

L’exclusion de la rémunération des heures supplémentaires est également confirmée en page 23 §4 de ce même document.

Apparemment le Ministère aurait changé d’avis récemment.

Aucun de ces deux documents récents n’est malheureusement signé et ce qui ne permet pas de remonter à la source.

Le code du travail

Cependant cette nouvelle méthode semble en contradiction avec le Code du travail.

En effet le code du travail stipule :

Article R5122-18

Le salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute servant d’assiette de l’indemnité de congés payés telle que prévue au II de l’article L. 3141-24 ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l’entreprise ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail.

et le paragraphe II de l’article L3141-24

II.-Toutefois, l’indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :
1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;
2° De la durée du travail effectif de l’établissement.

Ainsi d’après l’article  R5122-18, il convient de calculer un taux horaire d’indemnité en faisant le rapport entre :

  1. au numérateur le « montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler. Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :
    1°  Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;
    2°  De la durée du travail effectif de l’établissement. »
    Il n’est jamais question dans ce texte d’exclure la rémunération des heures supplémentaires.
    D’une part le texte précise sans ambiguïté « en fonction de la durée du travail effectif de l’établissement« .
    D’autre part l’article  R5122-18 indique bien qu’il faut utiliser « la rémunération brute servant d’assiette de l’indemnité de congés payés telle que …« .
    Il est bien clair pour tout le monde que la rémunération des heures supplémentaires ne doit, en aucun cas, être exclue dans le calcul du maintien de salaire utilisé dans le calcul de l’indemnité de congés payés.
  2. au dénominateur « la durée légale du travail applicable dans l’entreprise ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail« .

Ce n’est qu’au dénominateur qu’il convient de ne pas tenir compte des heures supplémentaires (et il en est de même, nous allons le voir, dans le calcul du nombre d’heures à indemniser).

Ensuite ce taux horaire est multiplié par les heures de chômage partiel qui, elles, sont calculées dans la limite de l’horaire légal (donc sans tenir compte des heures supplémentaires).

A partir d’une lecture directe du Code du travail, il apparait clairement que la nouvelle méthode présentée dans le document diffusé sur le site internet du Ministère du travail et qui préconise ne ne pas tenir compte de la rémunération des heures supplémentaires, est en totale contradiction avec l’article  R5122-18 du Code du travail.

ConclusionS

La documentation diffusée par le Ministère du travail (circulaire DGEFP n° 2013-12 du 12 juillet 2013, document  diffusé le 22 mars 2020) indiquait qu’il fallait prendre en compte la rémunération des heures supplémentaires dans le calcul du taux horaire destiné à calculer l’indemnité de chômage partiel.

Un document diffusé le 10 avril 2020 sur le site internet du Ministère du travail dit maintenant le contraire : il ne faut pas prendre en compte la rémunération des heures supplémentaires dans le calcul du taux horaire destiné à calculer l’indemnité de chômage partiel.

La nouvelle méthode proposée par le Ministère du travail est, à notre avis, en totale contradiction avec l’article  R5122-18 du Code du travail.

En cas de litige, c’est bien entendu le Code du travail que l’on doit observer.
Pour que la nouvelle méthode du Ministère du travail puisse s’appliquer, il conviendrait de modifier la rédaction du Code du travail.

Si changement de méthode il devait y avoir, il conviendrait donc de publier un décret ou une ordonnance au Journal Officiel afin que la rédaction du Code du travail soit modifiée en conséquence. En attendant cette éventuelle publication, c’est, à notre avis, la méthode du Code du travail qui doit être appliquée.

EPILOGUE

L’article 7 de l’ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020 a ouvert le droit à indemnisation aux heures supplémentaires prévues dans une convention individuelle de forfait en heures ou une convention ou un accord collectif de travail conclu(e) avant le 24 avril 2020 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance 2020-460).
Une mise à jour du document du Ministère du travail en date du 29 avril 2020 présente maintenant une méthode de calcul de l’indemnité de chômage partiel en cohérence avec l’article R5122-18 du Code du travail (qui sera revu en conséquence pour prendre en compte l’horaire contractuel à la place de l’horaire légal).